Le secret

Du docteur No ou du masque de fer jusqu’au Parrain, il y a un thème récurrent constamment repris c’est celui du secret. 

De ce travail pur laisser une vérité, une activité ou un monde dans l’ignorance du public, d e la société qui nous entoure. Devant une Menace réelle, il est une réaction délibérée et raisonnée, un mécanisme de défense. Il enterre mais rappelle à la mémoire constamment son objet. 
Être tenu au secret, le secret d’État, les services secrets, le secret de famille… autant d’expression où le mot secret est employé comme dissimulation, voile ou effacement de la vérité. Pourquoi garder une chose secrète ? Est-elle simplement dangereuse, existe-il derrière le secret une vérité inavouable, un élément si effrayant que la terreur qu’il inspire nous amène à le garder secret, à l’occulter volontairement pour se préserver d’une menace ? De la mort, de l’infamie, du rejet social ? 
Qu’est-ce qu’un secret dans l’usage courant ? 
Ce qui est caché, enfoui, ce qui représente comme une menace et dont la révélation ne pourra que nous procurer des représailles, pire la vengeance du pouvoir. Secret d’alcôve pour préserver une infidélité qui viendrait rompre un monde d’apparences dites harmonieuses. Le secret semble être une réponse à la peur d’une chute, d’une disgrâce aux yeux des autres. La motivation fondamentale semble bien être la honte. Le secret n’est pas l’oubli. C’est une dissimulation consciente et intentionnelle. Il n’a rien à voir avec le refoulement freudien inconscient et non maîtrisé. 
Il se déploie comme un travail, une stratégie. On supprime les traces, on efface, on brûle, on broie les documents compromettants ! On crée un langage, l’argot des brigands, on crypte pour ne pas être compris. On se dissimule. On créée des mots de passe, on se cache de la police. Il y a des intérêts en jeu. Une menace est claire dans l’omerta, c’est la justice et ses conséquences. Rester dans l’ombre surtout ! 
On ne ment pas forcément seul pour préserver un secret. On créée des sociétés dites « secrètes » avec des rites d’initiation, de passages. « Secret de Polichinelle ». Elles ont pignon sur rue. On utilise des symboles pour se reconnaître. Il peut y avoir une complicité dans le mensonge autour d’un intérêt commun. Cependant n’est-ce pas là qu’il sera le plus fragile et le plus apte à être dévoilé et révélé aux yeux de tous. Mentir seul est semble-t-il plus facile, maintenir un secret qui nous assure le crime parfait est sans doute le plus efficace d’où la volonté de supprimer les complices et d’être le seul à assumer ses secrets. La simple confidence risque de tuer le secret. On est seul à l’intérieur. La partager est un risque permanent de son dévoilement ; « Ne le dis à personne ! » l’union dans le mensonge s’effondre, la culpabilité, l’intérêt, la malveillance, la jalousie, le calcul, l’appel à la délation, la promesse d’une amnistie après l’aveu. Il y a bien des alibis pour rompre le secret. Le repenti veut sortir d’une spirale de violence comme il aspire sortir de celle de la justice dans les procès sur la mafia. La conspiration du silence est fragile, le remord, le regret, la culpabilité interfèrent sur le désir du secret. 

Philippe Escudier - 2025