Newport 1965
Le renouveau électrique De Dylan
« No Way Home » de Martin Scorsese ou « un parfait inconnu » de James Mangold terminent tout deux sur l'importance du concert mémorable de Newport en 1965. C'est un point culminant dans la maturité et le renouveau d'un appétit créatif. Incontournable, c’est Un virage, un coup d'état, dans le monde de la musique folk, de son festival bien rodé, huilé où tout avait trouvé sa place. Tout le long apprentissage de Dylan se termine sur une mutation rock ! Des rumeurs. Le nouveau prophète s'engage sur une voie plus rock, plus électrique. Dépit et colère ! Plus de bruits, de distorsion ; on change les rythmes, on amène batterie, basse. On joue fort, trop fort ! On traite Dylan de traître et de Judas. On lui lance des projectiles. Le choc est sans appel. L'incompréhension est des deux côtés. On le somme de reprendre sa guitare acoustique, de jouer son rôle de barde folk. On est dans le rejet et la fascination. Quelque chose est en train de naître et cela s'avère traumatisant pour les habitudes figées. Peter Seeger est en rage ! Il veut débrancher son protégé, celui qu'il admire tout autant que Woody Guthrie. Trois chansons sont jouées mais un tournant décisif a été pris et rien ne sera jamais plus comme avant. L’événement va résonner historiquement, frapper les esprits, influencer d'autres artistes. Les temps changent aussi pour les gardiens du temple de l'orthodoxie musicale. Le choc et l'orientation nouvelle frappe les esprits étroits mais ravis les autres en attente d'émotions, de mouvements, de nouveaux horizons ; un vent souffle comme si l'histoire se mettait de nouveau en marche. Like a Rolling Stone démarre par un cri de sirène, on interpelle la vanité de celle qui est tombée dans la déchéance. De sa vanité, on la convie à exprimer ce que signifie être sans but, ni sens. Perdu comme cette pierre qui roule. Qu'est-ce que tu ressens ? How does it feels ? la perte du sens, de la place, à l’intérieur d'un cadre est un leitmotiv dans le refrain. La question interroge l'artiste comme le public, les anciens fans et les nouveaux, les anciens et les modernes. La perte de la référence à celui qui était présenté comme le nouveau chef de file résonne. L'artiste n’appartient pas à son public, il n'est pas lié dans a recherche créative. Il doit se renouveler pour vivre, il faut lui accorder cette liberté. Traître, Dylan ne l'est pas, il continue d'explorer son écriture. Il reste un classique. Il modifie les pourtours de son expression ; Il expérimente ; C'est un exercice, une recherche d'une nouvelle voie et la manifestation d’une liberté fondamentale. Changer pour exister et garder son écriture vivante. Il y a un déchirement par rapport à ces poètes de Greenwich Village mais la recherche de soi, son écriture continue. C'est ce à quoi l'on reste fidèle. Le concert se conclue sur un rappel (sic) acoustique ; une chanson de séparation qui en dit long sur l'état d'esprit du poète. Un tournant est pris.
Philippe Escudier -2025