Serie noire

Le film noir.  A conseiller !                          
Pourquoi nous aimons tant ce qui est Plus Noir que l’enfer.
Des auteurs : James Cain, Horace Mac Coy, Hammett, Chandler …série Noire.
 Polar à dévorer, à découvrir et à redécouvrir
Des films A voir et à revoir : Le Faucon maltais de John Huston, Chinatown de R. Polanski… quai des orfèvres de G. Marchal, Bac Nord de Jimenez…films noirs étouffants et sans espoirs.
Une étude de jean Pierre Esquenazi à parcourir pour clore le tout.  
 
Ni film de gangster ni film policier encore moins à énigme, le film noir, si bien nommé, mélange les genres et les points de vue. Décalé, Il explore les zones les plus sombres de la société et de la psychologie humaine. A la périphérie de la sociologie du crime dont il se repaît, il se tourne davantage vers l’âme humaine, ses failles, ses échecs, sa désolation, mais aussi l’absurdité du monde qu’il contemple. Du crime, des délits les plus divers, il se resserre sur la peinture des personnages en échec ou en perdition bien plus que sur la seule intrigue.
 De la dépression, de la crise économique de 1929, il s’arrête sur l’ennemi publique numéro Un. Dillinger, ma Baker, Bonnie and Clyde. Il investit la littérature policière mais Il va au-delà d’un simple genre, il a une dimension métaphysique interrogeant l’état de nature, le conflit hobbien, ou l’infernale nature incivile de l’homme, l’insociable sociabilité, qu’évoque Kant. De manière chirurgicale Il suit la descente aux enfers de ceux qui restent et resteront à jamais des perdants, des légendes noires. Les illusions brisées et la déchéance participent de la thématique finale de ces flics de « Bac Nord » de Jiménez, trahis par leur hiérarchie et déclassés après avoir été emprisonnés.
 On plonge dans les sentiments les plus sombres et nauséabonds : jalousie, envie, convoitise. Ce sont des mécanismes de la tragédie. Le « Parrain » en est une et personne ne s’y trompe. On n’est pas loin non plus  des sept péchés capitaux que va investir Fincher avec Seven ou des névroses, des pathologies mentales à la Joe Pesci dans Casino. Le comte de Monté Christo est bien un roman noir par ce côté funeste des passions et la cause des turpitudes que va traverser Edmond Dantès.
Les points les plus inquiétants de la descente aux enfers, de la trahison, la corruption y sont mis en exergue systématiquement. Côté policier ou truand, on partage la même misère. On se ressemble trait pour trait. Quel que soit la position on parcourt le même enfer ; les traîtres sont les mêmes. Cupidité, rapacité, délire de grandeur sont des mécanismes qui échappent aux personnages qui n’ont que l’illusion de la liberté. Légalité ou criminalité, la confusion des genres et la comédie des apparences est la même. L’honneur est un mot vain et la violence un leitmotiv qui revient de manière absurde et qui va contredire tout échappatoire.
L’existence reste absurde et sans remèdes. Il n’y a ni rédemption ni pardon. La noirceur est ultime sans rémissions...Seule la mort apparaît paisible après le déchaînement de violence qui l’accompagne. La tension y est permanente. Le repos n’est qu’un instant qui annonce une violence qui va crescendo jusqu’à son apogée. Le film noir a une prédilection pour l’échec comme dans les films de John Huston. Le perdant est le héros. Le grain de sable qui détruit la meilleure organisation obsède Kubrick dans le baiser du tueur. Le plan qui achoppe sur un détail et où tout se transforme en débâcle. La préparation qui tourne en fiasco magnifique comme dans Mélodie en sous-sol. La place de la Fatalité est déjà là comme dans Macbeth. 36 quai des orfèvres d’Olivier Marchal décrivant une compétition entre deux flics et qui les mène chacun à entreprendre la destruction de l’autre. Chacun perd ! L’histoire n’est faite que de loosers !
Il n’y a pas plus de jugement moral ! la morale est elle-même dérisoire. Gabin dans « le pacha » enquêtant sur un flic ripoux et dont on entend la mélodie insistante de « Requiem pour un con » de Gainsbourg !  On ne juge pas, on ne condamne pas. Inutile ! On observe ! on contemple ce cheminement vers l’inéluctable. Femme fatale, privé, salaud, truands névrosés, les figures récurrentes sont là. Pas d’enfants de cœur ! Le drame et la tragédie peuvent commencer. Chacun est pris dans son destin, enfermé dans on déterminisme, se dirigeant vers la fin attendue tel ce samouraï incarné à la perfection par Delon.
 Melville, René Clément, Clouzot nous rappellent que la noirceur totale est une esthétique et une vision du monde. Le noir et blanc est historiquement une photographie soignée mettant en perspective cette lutte vaine contre le destin. Dans « le salaire de la peur », les hommes sont des perdants dès les premières images. L’acharnement des évènements, des périls où tout ramène vers une fin absurde nous fascine et nous dérange. Nous ne sortons jamais indemne de cette « série noire » peuplé de figures terribles et sauvages avec êtres inoubliables que sont le « prédicateur » criminel joué par R. Mitchum dans la Nuit du Chasseur avec ce plan sur les mains où sont tatoués Love et Hate. La noirceur des choses est l’intuition qui se retrouve pleine et entière. Le genre historiquement, dès sa création, le décline et le perpétue.
Décor et cadre : La nuit, la pluie torrentielle, le clair-obscur, la ville inhumaine, les gros plans, la transpiration, la moiteur de la chaleur de la nuit dans la poursuite Impitoyable. Chandler, Hammett en sont les chantres. Philip Marlowe, au fil des adaptations cinématographiques est devenu la figure emblématique de ce privé désabusé, fataliste, perdu, et courant vers l’autodestruction d’une société corrompue.  Alcoolisme, sexe, drogue sont les divertissements qui mènent le héros vers l’oubli de soi et du passé. « L.A Confidential », « l’Echange » plongent dans une fange morale. Aucune morale n’émerge du « facteur sonne toujours deux fois ». Aucun salut. L’inspecteur Harry Callahan, jette sa carte d’inspecteur à la fin de la partie même si la franchise continue ! L’enfer est de ce monde rappellent les anti-héros devenus emblématiques comme Capone, l’illustre Scarface repris sur les tee-shirts. Seule la mort et la disparition de la conscience nous « sauve » ironiquement. Tout cela rend le fim ou le roman noire déprimant, et terriblement indépassable ou fascinant. Y compris une musique de Jazz, lancinante, obsédante, plaintive et discordantes qui erre avec les héros d’» Ascenseur pour l’échafaud « de Louis Malle.  De l’obscurité rien ne peut émerger. On arrive à la fin d’un destin, d’une vie, de toutes nos espérances. Le rideau tombe ! On flirte avec Beckett et Camus. Ce dernier n’a-t-il pas une certaine ressemblance avec Bogart ? Sisyphe n’est pas loin. Le mot fin nous libère sans réelle catharsis mais avec une douleur plus profonde devant l’absurdité et le néant de ce genre si existentialiste et moderne.
 
Et pour en savoir plus sur le genre :
Le film Noir de jean Pierre Esquenazi, edition Biblis.
 
Philippe Escudier - 2025